frédéric recrosio

Carême, les carnages historiques et Jean-Michel


Le Carême, c’est trop long.

Et puis c’est très mauvais pour la santé. Je le sais, j’ai mal au foie.

Voilà ce qui s’est passé : le lendemain du Mardi-Gras, je me suis dit « plus jamais ça ! », comme après tout carnage historique qui se respecte, et puis j’ai tout arrêté. L’alcool, les clopes, le chocolat, les filles : fini ! Alors que j’avais encore des bouteilles pas terminées et des filles juste entamées. C’est d’abord ça, la volonté.

Le premier jour, c’est facile, à cause du projet qu’est balèze : faire comme Jésus. Et puis bon, secrètement, tu te dis que tu vas peut-être battre le record et sortir du désert en seulement 35 jours ! C’est motivant, le Messie c’est pas n’importe qui, comme star, et il a réussi des chouettes tours à son époque, comme changer l’eau en vin. Ce serait pas super que toi, tu réussisses l’inverse, et que tu passes du vin à l’eau ? Bref, j’avais la foi. J’étais fort, et au travers d’un monde dégoulinant de gâteries, je filais bien droit, tellement confiant que si un lac s’était mis au travers de mon chemin, j’aurais marché dessus. C’est aussi ça, la volonté.

Pis après, ces salauds ont sorti les lapins de Pâques.

Partout dans les vitrines ! Des lapins tout en chocolaaaat ! Des petits lapins ! Des moyens lapins ! Des gros lapins ! Et dedans, ils sont creux ou ils sont pleins !?!

Celui que j’ai acheté, c’est un creux. Mais c’est pas grave parce que j’ai exprès choisi un grand (1m). Et joli, avec des jolis yeux en massepain (15cm de diamètre). Je l’ai appelé Jean-Michel (il était trop grand pour qu’on lui donne un nom de lapin). Doucement, je l’ai posé sur l’armoire, en hauteur – à cause de l’enfant qui est en moi – pis j’ai continué mon jeun.

Seulement voilà, le Carême c’est trop long. On tient pas, et après on a mal au foie. C’est surtout ça, la volonté.


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