Papa-Noël, l’agrapheuse et les bêtises annulées
Depuis quelques années, Papa-Noël ne vient plus chez moi.
Chaque réveillon, je l’attends, je l’attends, mais rien : pas de cacahuètes, pas de mandarines, pas de pain d’épices... juste un lapin, ouais, un beau lapin qu’il me pose.
Ben merci pas. Parce qu’alors c’était quelque chose d’avoir 6 ans et de l’attendre, caché-enroulé dedans les rideaux que maman portait comme jupe (à cause des Bee Gees).
Et puis tout d’un coup, quelqu’un sonnait à la porte. Avec mon frère, on tremblait : c’en était fini pour nous, parce que Papa-Noël savait qu’on avait menti à papa pour qui avait vraiment cassé l’agrapheuse.
Alors on se poussait l’un l’autre, pour pas y aller en premier. Mais en même temps, on voulait les friandises, alors on s’avançait, terrorisés, en les yeux rivés sur la cible : les jolis petits sacs de jute où dedans il y avait des souris en choc avec le ventre vert, jaune ou orange !
Plantés devant lui, fallait répondre à sa voix grave qui demandait : « alors, vous avez été saaages cette année ? » C’est là qu’on se souvenait de toutes nos bêtises en plus de l’agrapheuse, et elles défilaient dans nos petites têtes : gicler de l’eau dans l’évier pour faire croire qu’on s’est brossé les dents ; sucer du lait condensé à même le tube ; jeter Guiseppe dans la fontaine.
En fait, on avait vraiment pas été sages, c’est pour ça qu’on pleurait un peu en répondant: « oui-Papa-Noël-j’ai-été-sage-promis »
Et chaque année, c’était pareil : Papa-Noël défronçait les sourcils, faisait un gros sourire (qui ressemblait d’ailleurs au sourire de tonton) et puis nous passait la main dans les boucles. Vite, on lui arrachait des mains le petit paquet et puis on courait de l’autre côté de la pièce, avec toutes nos bêtises annulées.
Papa-Noël ne vient plus chez moi. Mes bêtises, elles s’entassent pour de bon. Ça y est, je dois être un adulte.
Le Matin Dimanche